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    A ma chère Eden qui fait des rêves un peu fous et moi qui tente de les écrire…

     

     

    Je travaille à l’hôtel des Roches Noires depuis un an. Cette semaine, je suis seule à la réception. J’aime beaucoup accueillir les nouveaux clients et leur faire découvrir leur chambre. Un très joli couple vient d’entrer dans le hall. Ils n’ont pas de bagage, c’est surprenant. Leur couple dégage une harmonie apaisante, ils vont merveilleusement bien ensemble. Leur demande est singulière ; ils ont des amis qui vont arriver à l’hôtel aujourd’hui et ils veulent que je dépose dans leur chambre une petite corbeille de gourmandises afin de leur souhaiter la bienvenue. C’est charmant. Je vérifie sur le registre et leur assure que je vais m’en occuper. Elle secoue la tête en dégageant ses cheveux blonds avec une grâce exquise. Leurs jolis sourires et leur délicate attention me séduisent, je trouve que leurs amis ont beaucoup de chance. En fin d’après-midi, les amis arrivent. Je me retiens de leur annoncer qu’une surprise les attend dans leur chambre.

     

    Nous voilà installés dans un délicieux petit hôtel face à la mer. Nous allons retrouver nos amis Eden et Eyal dans leur fief. Ils sont vraiment adorables, ils ont fait déposer, dans notre chambre, une corbeille de petits cadeaux personnalisés. Ils nous ont concocté aussi un petit carnet de bonnes adresses car ils connaissent toutes les plus jolies balades et les meilleures tables pour déguster du poisson.  Emmitouflés, nous improvisons un apéritif face à la mer. C’est fabuleux : le vin blanc, l’air marin, le bruit des vagues, le cri des goélands… Nous nous laissons bercer par le rythme du flux et du reflux. Nous admirons la côte et le sable peu à peu recouvert par la marée dans un spectacle grandiose dont nous ne pouvons nous lasser.

     

    Il est neuf heures, ils traversent le hall en me saluant. Je leur souhaite une bonne soirée, j’imagine qu’ils vont retrouver leurs amis. Iront-ils au restaurant ? Peut-être finiront ils la soirée dans un petit salon cosy ? Peut-être leur soirée dérapera-t-elle dans un mélange de caresses sous une lumière rouge ? 

     

    Il est deux heures du matin, la tempête se déchaine sur le remblai. Nous avons passé une merveilleuse soirée de retrouvailles telle que nous la rêvions. Eden et Eyal sont extraordinaires ! Nous arpentons la rue face au vent hurlant, serrés dans notre amour. Nous tapons le code d’entrée de l’hôtel, la jolie petite réceptionniste est rentrée chez elle.

     

    C’est dimanche, ce matin, le beau temps est revenu. J’installe les tables du petits déjeuner dans la salle baignée de soleil. Je prépare aussi un plateau pour un service en chambre, c’est la chambre 12. Tiens, ils ont commandé pour quatre personnes.  Ils ont certainement invité leurs amis de la corbeille mais c’est bizarre de partager un repas en chambre. J’en saurais plus en allant le déposer tout à l’heure.

     

    Nous nous réveillons en caresses amoureuses, balancés doucement par le chant des vagues. Le soleil plonge dans notre chambre et nous force à fermer les yeux. La mer est basse, impudique, elle découvre l’estran, dévoilant ses rochers et ses coquillages. Nous avons proposé à Eden et Eyal de venir partager le petit déjeuner dans notre chambre. Après la douche, en les attendant, nous exposons nos corps nus aux passants et au vent marin, le froid nous pique un peu mais la sensation des embruns sur la peau est si agréable. C’est un défi d’affronter l’exhibition et l’air hivernal.

     

    Je réapprovisionne le buffet du petit déjeuner quand les amis de la chambre 12 traversent le hall. Ils se dirigent directement vers l’ascenseur. Je suis des yeux leurs silhouettes fines et sportives.  Qu’ils sont beaux ! J’aimerais bien être une petite souris pour aller les espionner. Je dois attendre encore une heure pour livrer le plateau.

     

    Les souvenirs bouillonnants de la veille et la perspective de retrouver Eden et Eyal excitent nos sens. Quelques caresses activent encore la marmite, je me sens électrique, j’ai hâte qu’ils arrivent. Mon chéri me chuchote des propos salaces à l’oreille, je le supplie d’arrêter, j’ai peur que le mot de trop m’emporte vers l’orgasme avant leur arrivée. On frappe à la porte. Je me précipite. Enfin, ils sont là ! Je les entraîne vers le lit en me collant contre eux. J’ai envie de leur sauter dessus. A peine le temps de quelques civilités, Eden enlève sa jupe avec empressement. Pas d’effeuillage langoureux, nous avons tous envie d’en découdre. Nos quatre corps nus s’aimantent immédiatement. On ne parle pas, nous n’avons pas besoin de mot pour nous comprendre. Notre complicité et notre excitation se fondent en un joyeux mélange mouillé et glissant. Dopés à la dopamine, nos cheveux se mêlent, nos respirations s’accordent et nos sexes se heurtent. Emportés par la musique, insatiables, on ne sait plus qui est qui et qui fait quoi. Galvanisés par le manque et l’impatience, nous sommes au paradis. Par la fenêtre, la mer observe nos corps en totale liberté. Les vagues contemplent les jolies bretelles dorées d’Eden et les boucles d’Eyal.

     

    Il est onze heures enfin ! je monte le plateau déjeuner dans la chambre 12. C’est très encombrant, je n’ai jamais porté de plateau pour quatre personnes. Précautionneusement, j’ouvre la porte de l’ascenseur, la retient par le pied, appuie sur le bouton avec mon coude en surveillant tasses, verres et coupelles. Dans le couloir, je dépose mon chargement sur la desserte pour frapper plus à l’aise. Mais du bout du couloir s’échappent des bruits insolites. Il me semble que ce sont des gémissements de plaisir. Dans cette chambre de quatre personnes ? Je sens le trouble et la chaleur montés en moi. Je colle mon oreille à la porte. Il n’y a plus de doute : ils sont en train de faire l’amour. C’est incroyable ! Des images mentales s’associent à leurs souffles puissants. Je veux voir ! Je veux participer ! Je frappe !

     

    On frappe ! Notre fougue s’interrompt un instant. On se regarde, dans une connivence rapide et muette, nous décidons de négliger le visiteur, nous devons poursuivre notre joute. 

     

    Ils ne répondent pas. Pas question que d’en rester là. J’attrape mon téléphone pour les joindre.

     

    Nouvelle interruption, le téléphone sonne ! Je stoppe l’étreinte et attrape le combiné : c’est le petit déjeuner que nous avions commandé. Nous l’avions oublié ! Mon chéri se couvre d’une serviette à la hâte et entrouvre la porte.

     

    Un torse nu se glisse dans l’entrebâillement de la porte, mes sens s’échauffent. Il veut attraper le plateau ainsi. Je refuse.  Je dois le déposer dans la chambre. Il essaie de me convaincre qu’il va se débrouiller. Je prétexte l’instabilité de l’installation pour pouvoir pénétrer dans cet antre mystérieux. Je veux voir le spectacle. En un instant, je me décide, je force le passage, frôle son corps à demi nu dans l’étroit couloir et découvre la chambre. Un ravissement : ils sont enlacés tous les trois dans une grâce extraordinaire. Certes leurs visages mélangent étonnement et surprise mais aucune gêne.  Ils s’extasient sur le petit déjeuner et me proposent de le partager avec eux. Je n’ai pas besoin d’accepter, la porte est déjà refermée tandis que les uns détachent mes cheveux et les autres dégrafent mon chemisier. Je ne suis plus trop certaine d’avoir eu une bonne idée. J’ai souvent rêvé de sexualité plurielle mais c’est extrêmement troublant de la vivre réellement. Ces images folles, l’odeur de plaisir qui règne dans la chambre, mon travail que j’ai abandonné, la peur d’être découverte par mon responsable, tout cela fait monter l’adrénaline. Je me sens comme la mer qui se déchaine face à moi.

     

    Elle se laisse déshabiller timidement. Elle parait à la fois surprise et conquise. Les deux hommes se pressent contre sa poitrine généreuse et ses courbes affriolantes.  Eyal plaque son torse contre elle avec un petit air provocateur.  Je suis intriguée par l’audace de cette jolie réceptionniste.  Elle met le feu aux poudres immédiatement et naturellement, c’est sensuel et spontané. Eden frôle sa peau douce et veloutée.  Elle exhibe ses tétons dressés et se penche vers une verge gonflée. Je l’accompagne. Eyal gémit de plaisir submergé par l’intensité de deux bouches sur son sexe. J’entends le cliquetis des bracelets d’Eden, un orgasme s’abat sur elle comme une vague reçue en pleine figure.

    Je suis transportée dans un tourbillon de plaisir. Dans cette grande mêlée de corps enchevêtrés, chaque millimètre de nos peaux est caressé et léché.  Dans ce lit, je touche les étoiles. Le rythme est tantôt lent et tantôt effréné. Une main glisse dans ma culotte, je perds la tête. Un homme se colle contre moi, il m’enveloppe tel une chrysalide. Il triture mes mamelons, j’ose le sucer d’abord doucement puis avidement. Surexcités, nous goutons les uns les autres, butinant déci delà. Brusquement, je sens les va-et-vient d’un sexe inconnu comme la houle d’une tempête. C'est étourdissant. Les deux femmes sont jointes par la boule d’un vibrateur, elles pressent leurs poitrines l’une contre l’autre jusqu’à être emportées par un orgasme foudroyant. Puis, elles se tournent vers moi avec un grand sourire, écartent mes cuisses et approchent leurs bouches de ma chatte. Je coule comme un robinet, je suis déchainée et rapidement terrassée par le plus bel orgasme de ma vie.

    Lovée entre nous, la petite réceptionniste ronronne de plaisir. Si vulnérable que nous devons la choyer et l’envelopper tendrement. En douceur, en beauté et en gentillesse, elle nous a livré un petit déjeuner extraordinairement frivole. Eyal lui tend une tasse de café mais elle reprend brusquement ses esprits et réalise qu’elle est attendue ailleurs. Nous l’admirons tandis qu’elle se rhabille à la hâte. Quand elle réajuste sa jupe, elle nous offre son plus joli sourire et un timide « merci » en se sauvant dans le couloir.

    J’ai la tête à l’envers, impossible de reprendre le cours de ma journée. Cette parenthèse de jouissance m’a fait un bien fou. J’ai été ramonée dans tous les sens et cela m’a régalée.

    Repus de plaisirs, serrés dans les draps, nous savourons le petit déjeuner. Que c’est bon un dimanche face à la mer !


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  • Je retente l'aventure de l'abécédaire ! 

    Voici la première partie ...

    Abcédaire partie 1

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  • Il y a quelques mots écrits sur l’application qui donne envie de trouver un nid éphémère pour se découvrir. Il y a des musiques partagées le temps d’une balade ligérienne sous la pluie pour se retrouver. Il y a quelques instants encore pour se parer de ses plus belles plumes. Et puis il y a la porte qui s’ouvre : le son de sa voix douce, son sourire éclatant et son charme irrésistible.

    Je réalise la chance merveilleuse que j’ai d’avoir un mari qui non seulement m’autorise à vivre ces moments-là mais m’y encourage et m’offre une saint Valentin hors du commun. Je réalise la chance que j’ai aussi qu’une gentille fée pose sa baguette magique pour me guider et me présenter des hommes extraordinaires.

    Eliav a tout organisé, tout préparé et tout arrangé pour que je me sente bien. Il est attentionné et me donne même des informations logistiques pour garer ma voiture. Le stationnement est toujours pour moi source d’inquiétude mais je ne lui ai parlé de rien, comment a-t-il deviné ? Il m’arrive fréquemment avant de partir rencontrer seule de me demander si cela a vraiment du sens. Je n’ai aucun doute cette fois ci, j’assume pleinement mon choix. En plus, il m’a évité la série de satanées questions sur mes envies, mes goûts, mes fantasmes et patati et patata… Je lui en suis reconnaissante.

    Je n’ai rien imaginé avant de venir, je n’ai rien fantasmé, je n’attends rien de particulier mais je suis persuadée que cette journée sera mémorable. Quand la porte s’ouvre, j’ignore encore à quel point. Et c’est peu descriptible. Pourquoi ma rencontre avec Eliav est-elle un séisme ? Parce que c’était lui, parce que c’était moi ? Parce qu’il est empreint de belles manières, d’une simplicité déconcertante, aux petits soins mais naturellement, sans avoir jamais l’air d’en faire trop, comme s’il était toujours lui-même. Parce que tout est facile, léger, fluide, sans pression, ni paraître, parce que ce sera un moment de vie tout simplement.

    Comme si, c’était une après-midi ordinaire avec un ami ordinaire. Pourtant c’est un inconnu. Voilà ce qui est fascinant : se sentir en confiance et en intimité au bout de quelques minutes ! Et puis, sentir l’excitation de la nouveauté, être grisée par l’inattendu et la surprise, vivre un moment hors norme dans un mélange de douce folie et d’exaltation : un délit d’initié !

    Je le suis dans le dédale qui mène au petit nid douillet qu’il a trouvé pour abriter nos désirs illicites. Je savoure son premier éclat de rire. Je glisse mes doigts dans sa barbe douce et ma main dans ses cheveux. J’effleure son pantalon soyeux et le ravissant gilet qu’il porte avec panache et élégance.

    Nous faisons connaissance dans une succession de conversations légères et sérieuses, toujours passionnantes. Je me régale de sa curiosité et de son intelligence débordante. Arrimée à ses yeux pétillants, je l’écoute en picorant le gâteau. Puis à cette simplicité conviviale succède une gourmandise non dissimulée. Comme j’ai renversé deux fois mon verre et que le sol est trempé, nous saisissons cet alibi pour quitter le salon et rejoindre le lit car irrésistiblement, nos corps veulent se rapprocher. Aimantés par le désir, emportés dans une danse voluptueuse, nos sens s’embrasent.  Peau à peau, lentement, entre caresses et câlins, on se connecte. J’ouvre son gilet et sa chemise avec le même trouble que pour les cadeaux de Noël. Mes mains parcourent son torse aguichant, tout est serein. Il soulève ma robe et dévoile mon body. Nous nous effleurons du bout des doigts dans un décor musical de Kurt Cobain. C’est très doux, très lent, très long, nous nous savourons dans une sensibilité exacerbée. Nous prenons notre temps, dans une bulle extraordinaire, nous sommes dans nos sensations, à l’écoute de notre corps et de celui de l’autre en totale connexion. La magie de cette première rencontre est unique, nous ne la retrouverons jamais, il faut la goûter le plus intensément possible.

     Nous avions rêvé de déconstruire le rapport sexuel traditionnel, de nous extraire des codes pour imaginer un plaisir libéré de la norme, loin des injonctions d’érection, d’éjaculation ou de performance, mais finalement la conformité va nous rattraper. Le vrai bonheur est de laisser son corps accueillir les émotions comme elles viennent, parfois tendres et parfois bestiales.  Car tout nous appelle à l’affrontement dans des étreintes tantôt sensuelles et tantôt fougueuses. Ses longs doigts savent parfaitement alterner ces intensités différentes : la douceur et la braise. Ses mains glissent et coulissent partout en moi, elles sont très douces et soudainement appuient fortement, je me contorsionne, cette alternance me procure un plaisir volcanique.

    Mon corps qui se cabre comme un cheval sauvage, mes bras qui ondulent, ma tête qui tombe à la renverse, nous fondons l’un en l’autre et ne faisons plus qu’un. Dans le mélange de nos sueurs et de nos cris, il se dégage une énergie incroyable. Dans le miroir, je profite du troublant spectacle de nos corps imbriqués.  Il emprisonne mes cuisses de ses mains et lance sa langue en moi. A l’écoute attentive et bienveillante de mes désirs, il propose de me faire jouir comme j’aime, comme s’il voulait juste rendre service.

    Que c’est bon d’être tournée et retournée, la tête à l’envers, flambée de désirs ! J’admire son sexe fier qui pulse et palpite sous ma langue, j’ai le goût du péché dans la bouche. Même si l’acte sexuel est toujours semblable, chaque partenaire y apporte une couleur particulière, celle de d’Eliav est fabuleuse. C’est bien au-delà d’un emboîtement physique, c’est un partage magique d’humanités et de plaisirs intarissables. Son corps magnifique, l’odeur de sa peau, le rythme de son souffle, mon corps qui ne parvient pas à se calmer, nos gémissements : tout est incandescent.

    Une trêve temporaire reçoit nos confidences et la confiance que nous nous accordons désormais. On parle, on rit, on éclate de rire. Tout est pétillant, joyeux, naturel et généreux. On voit les lumières de nuit, on entend le bruit de la pluie, on est juste bien dans cette nuit sans sommeil. Mais rapidement, nos corps se laissent emportés à nouveau dans une excitation sans répit, il est tard, c’est déraisonnable, on sait que sera fatigués demain mais nous ne pouvons résister. Quelle chance, nous avons de vivre ce moment-là !

    Ô que c’est délicieux de rentrer fatiguée et repue, de me glisser dans le lit conjugal et d’entendre mon mari me murmurer qu’il m’aime comme si tout était ordinaire.  Le lendemain, je me sens duveteuse, une infinie tendresse m’enveloppe encore.

    Le mot de la fin appartient à Eliav : « Aimons, vibrons, vivons, la vie nous a été offerte pour ça. »

     

     

     


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  • Un jour, un gynécologue qui me proposait de changer de moyen de contraception m’a dit :

    « Par contre, il y a des effets indésirables, notamment, vous risquez de ne plus avoir vos règles. »

    J’ai dû le regarder légèrement hébétée parce qu’à ce moment-là, je me suis demandé quel intérêt il pouvait y avoir à subir chaque mois des migraines, des crampes abdominales, des douleurs lombaires et un flux de sang. Je n’ai jamais eu une once de féminisme mais j’ai quand même pensé qu’il n’y avait qu’un homme pour faire ce genre de réflexion. Je pense que les règles sont la pire malédiction pour les jeunes filles. Gérer ce sang quand on est collégienne c’est inhumain.

    J’ai appréhendé la ménopause non pour cette absence de règles mais uniquement car à partir de ce moment-là, le couperet tombait et la fin de toute maternité était scellé à jamais. Les grossesses, les accouchements et l’allaitement ont été les plus beaux moments de ma vie. Et même si je ne désire plus d’enfant, savoir que c’est encore possible est une douce consolation. Désormais c’est acté définitivement. Mais cela a été moins pénible à digérer que je le pensais. Les légers désagréments ont été insignifiants face à la libération de ces maudites règles. D’autant plus qu’avant son arrêt complet, la machine s’est emballée dans un fonctionnement totalement désaxé qui me laissait anémiée, nauséeuse et ivre de fatigue. A ce sympathique panel et pour couronner le tout s’ajoutait une libido proche du niveau de la mer. Quand enfin tout s’est arrêté, j’ai été véritablement soulagée. Comme il y trente ans, j’avais eu envie de crier au monde entier, je suis enceinte, à ce moment-là, j’ai eu envie de crier je suis ménopausée.

    Ces confidences peuvent paraître saugrenues sur ce blog pourtant la vraie libération a été dans le libertinage ! J’ai toujours eu un calendrier menstruel un peu fantasque et des dates presque impossibles à anticiper. L’arrivée la plus mémorable est celle qui se produisit en milieu d’une magnifique soirée blanche dans une robe immaculée au départ mais pas à l’arrivée.  Cette maudite dame Nature, comme on l’appelle de façon prude, elle en a ravagé des soirées ! Ces soirées qu’on a attendu fébrilement, ces soirées parfois pour lesquelles on a commencé à se préparer et auxquelles on a dû renoncer. Ces soirées dont mon mari se réjouissait et dont moi seule allais porter la responsabilité de l’annulation. Evidemment, jamais, mon chéri ne m’a fait de reproche, au contraire, il a toujours été d’un soutien et d’une solidarité sans faille mais j’ai souvent ragé de porter, malgré tout, cette culpabilité.  

    Néanmoins il faut positiver, ces règles intempestives ou inattendues ont eu malgré tout un intérêt. Elles ont été un test fabuleux pour détecter les couples et les hommes bienveillants. En dix ans, il m’est arrivé plusieurs fois de devoir annuler des rencontres. La plupart ont répondu « Ah dommage, on voit plus tard pour fixer une nouvelle date ! » mais certains ont maintenu le rendez-vous parce que pour eux la rencontre humaine primait sur un acte sexuel loupé.

    La veille de ma première rencontre avec Solal, mes règles sont arrivées de manière impromptue. Je lui ai proposé de reporter notre rencontre et il a eu cette réponse fabuleuse : Je souhaite venir malgré tout, si tu es douloureuse, je te ferai des câlins, si tu es fatiguée, je te laisserai te reposer, si tu te sens bien, nous pourrons dîner et discuter. Finalement, mes règles se sont arrêtées dans la journée et nous avons assez peu discuté !

    Les organisateurs de soirées ont une solution pour chaque problème. Les désagréments féminins ne doivent pas empêcher de faire tourner leur commerce. L’un d’eux à qui j’annonçais que le programme allait être modifier me vanta les tampons éponges. Naïvement, je partis à la recherche de ce précieux sésame pour la fête. Heureusement, mon mari m’accompagnait pour arpenter la ville et écumer toutes les pharmacies en réclamant cet objet mystérieux que personne ne connaissait. A chaque officine, nous devions expliquer que cette protection interne permettait d’avoir des relations sexuelles en période menstruelle. De l’autre côté du comptoir, des yeux ronds nous regardaient avec un mélange de pitié et de stupéfaction. Ces fameuses éponges n’étaient pas vendues en province, il fallait passer commande sur internet, ils arrivèrent après la fête. Longtemps, elles restèrent sagement au fond d’un placard.

    Quelques mois plus tard, à la veille d’un week end entre amis libertins, ces maudites règles décident de venir encore gâcher la fête. Les petites éponges me reviennent en mémoire et je me dis que c’est la bonne l’occasion. Mon chéri est en télétravail, je saisis ma chance pour faire un petit test avant le départ. Insérer l’éponge est facile, chauffer mon mari et le détourner de son ordinateur encore davantage. Il est très excité jusqu’à ce que je lui dévoile la supercherie. A partir de ce moment-là, nous allons faire l’amour « sur des œufs » sans y prendre de plaisir, concentrés uniquement sur la nouvelle sensation provoquée par cet intrus. Découragés, nous finissons par stopper l’expérience. Mais le meilleur moment est le retrait de la chose. Elle semble avoir totalement disparue dans mes entrailles, elle est désespérément inaccessible. Comme habituellement, lors de l’arrivée d’un nouvel appareil ménager, je commence par appuyer sur tous les boutons sans lire la notice, mon chéri m’accuse de ne pas avoir placé l’éponge correctement, il entreprend la lecture minutieuse des instructions mais ne trouve aucune solution. Je commence à paniquer. Je m’imagine déjà aux urgences de l’hôpital, honteuse, en train de détailler mon aventure dans une salle d’attente bondée d’oreilles indiscrètes. Après moultes efforts et tortillages acrobatiques, l’éponge finit par sortir. J’ai fait don des boites restantes à des copines plus douées que moi qui adorent les utiliser.

    Ces mauvais souvenirs sont loin, je vis désormais ma sexualité libertine en toute tranquillité et en totale liberté. Ma libido est revenue, je peux bloquer des dates des mois à l’avance, je n’ai plus ni angoisse ni appréhension. Je me sens femme plus que jamais. Certes je vieillis, mais j’accepte les changements de mon corps avec philosophie parce qu’indiscutablement, je me sens tellement plus heureuse qu’à trente ans.


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