• Compersion

     

    C’est une histoire qui commence comme une bouteille à la mer.

     

    Ses mots font frétiller mon cerveau depuis des semaines, il habite dans un périmètre accessible au prix de l’or noir mais sa zébritude m’a incitée à rester retranchée dans une médiocrité pas à sa hauteur. Je fuis les équidés qui brandissent leur pyjama rayé comme étendard, j’interprète cela comme « Ne venez nous parler que si votre QI atteint au moins 130 et si votre vitesse de réflexion à celle d’un avion de chasse ». Moi qui prône plutôt l’éloge de la lenteur cela me bloque.

     

    Pourtant, il y a chez lui, un aspect paradoxal, des fragilités et une sensibilité exacerbée qui me touchent, alors, un jour, je me lance. Sa réponse est charmante presque timide, sa communication est étrange, parfois à côté mais jamais au-dessus. Il ne harcèle pas, ne sollicite même pas, il attend qu’on vienne à lui, c’est un pari, c’est un défi. Tout est inhabituel : le tour touristique de tous les moyens de communication, ses messages qui m’attendent au milieu de mes nuits d’insomnies, ce lien plus protecteur que séducteur, cette relation sans chichi à contre-courant, je suis décontenancée.

     

    Nous rêvons d’une réalité dans des phrases remplies de silence et dans la douceur émouvante de ses mots qui me caressent. J’essaie vainement de poser des questions pragmatiques mais nos conversations s’envolent et j’abandonne mes interrogations décalées. Il me supplie de lui remettre les pieds sur terre. Notre envie est acquise et notre patience illimitée, le temps nourrit notre désir.

     

    Mon mari chéri se réjouit de mon effervescence, il se délecte de mon bonheur et de mon épanouissement. 

     

    La montée des températures est propice à une randonnée- pique-nique champêtre. C’est une préparation qui ne ressemble à aucune autre. J’ai le cœur léger. Pas de stiletto ni de porte jarretelles, me voici sur la route : contact dans 57 minutes ! Pendant des semaines, j’ai admiré sa photo, allongé sur un lit, je découvre qu’il peut être debout aussi ! Il est là devant moi, enfin ! Sa voix douce, ses bras qui m’enlacent tendrement presque timidement, sa bouche qui se pose sur la mienne pour la première fois, je sens que cette journée sera extraordinaire. Nous grimpons à travers la forêt à la recherche d’un petit coin tranquille. Il marche vite. La nature printanière nous accueille dans son antre enchanteur. Nous nous installons à l’ombre d’un pin.

     

    Je suis curieuse de cet homme-là, j’ai envie de rentrer dans sa bulle. J’ai craint d’être ennuyeuse, je n’ai ni le cerveau d’un avion de chasse, ni des ramifications neuronales surdimensionnées, mais son vin et ses caresses me rassurent. Il n’a ni rayure, ni fourrure, ni sabot. Il n’a pas d’ego surdimensionné, il ne cherche pas la compétition et ses maladresses sont touchantes. Je me remplis de son humanité extraordinaire. La terre tourne, le monde avance et nous avons arrêté le temps dans cette clairière. La nature grouille autour de nous : les oiseaux qui chantent, les fourmis qui nous chatouillent, les pommes de pin qui nous piquent.  Il me serre doucement contre lui dans un moment qui n’appartient qu’à nous. Je respire son torse, c’est l’odeur d’une maison de mon enfance. On parle, on parle, on parle, de la mort, de la maladie, de l’amour, des rencontres que l’on range dans notre cœur comme les tiroirs d’une commode. J’aime sa liberté, son corps embrassé par un dragon, sa personnalité de l’extrême, ses paradoxes et ses contradictions, son grain de folie, il est différent tout simplement.  

     

    Il m’embrasse si doucement, il remonte ses mains le long de mes cuisses, ses doigts me frôlent, il fait glisser ma culotte et expose mon intimité aux rayons du soleil. Je faufile mes doigts sur ses cicatrices, le vent chaud caresse nos corps, il pince mes seins, je gémis. Il est entre mes jambes, je sens sa langue légère sur mon sexe, je savoure sa fougue et sa douceur. Ce peau à peau et l’appréhension que des promeneurs surgissent rendent l’excitation tout à fait extraordinaire. D’ailleurs voici justement, Pablo, le chien et sa famille qui sortent d’un chemin, nous nous redressons précipitamment, reprenons une attitude innocente à la hâte et les saluons poliment. Nous patientons quelques minutes, bouillonnants d’impatience et de désir.

     

    Enfin seuls, nous nous blottissons éperdument à nouveau l’un contre l’autre comme si cette interruption avait duré une éternité. Je libère son sexe dur et glisse dans ma bouche en surveillant les alentours d’un œil. Câlinée dans ses bras, bercée par sa voix, lovée dans cette nature extraordinaire comme dans un cocon, les pieds dans le sable, je suis tellement bien. Je compte ses orteils. Le vin rosé et le soleil qui nous rattrape me font tourner la tête, il détache mon soutien-gorge et durcit mes seins avec délicatesse. Alors il chuchote mon prénom et me demande tendrement s’il peut me faire l’amour. Dans une toute petite poche de son pantalon, je constate son anticipation et réalise ma naïveté, moi qui pensais que nous allions vraiment pique-niquer. 

     

    Il me pénètre comme il vit, avec tellement de sensibilité et de tendresse que cela me bouleverse, c’est un orgasme spirituel, celui qui fait du bien au corps, retourne les entrailles et panse toutes les blessures de l’âme. Les rencontres sont toutes différentes mais certaines me transcendent. Celle-ci ouvre en moi une nouvelle porte, cet homme m’épanouit, m’enrichit et me grandit, il parvient à lire mon âme et à la porter plus loin et plus haut vers plus d’humanité. Je m’enivre de ce moment d’extase quand il me tire brutalement de ma rêverie en m’annonçant que nous n’habitons qu’à une heure l’un de l’autre. Dans cette communication déroutante, cela doit signifier que nous continuerons à donner un nouveau sens au mot pique-nique plus magique et bien mieux que l’original !

     

    De retour à la maison et plongée dans une autre vie, je regarde, amusée, les fourmis qui courent encore sur moi en reconstituant le puzzle de ce pique-nique qui n’en était pas un.

    Compersion c’est ce que m’inspire le visage illuminé de mon mari quand il lit mon histoire.

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