• Amsterdam

    Un vent aoutien nous emporte vers les plages septentrionales. Nous nous délectons de la quiétude hollandaise et du respect de ses habitants. Nous sommes subjugués par ces vélos à peine attachés quand même les chaînes de l’Alcatraz n’ont pas réussi à retenir les nôtres. Chaque jour, je contemple un petit étal de confitures- maison installé dans la rue. Point de marchande à côté, les jolis pots décorés sourient seuls aux passants, une tirelire recueille les oboles sans surveillance.

     

    Nous profitons d’une belle après-midi pour exposer nos corps nus au soleil néerlandais. Sur cette plage naturiste, je savoure le vent qui frôle tous les recoins de mon corps et se faufile jusqu’à l’entrée de ma petite grotte. J’écoute le cri des mouettes, le bruit des vagues qui s’écrasent dans l’écume et le ressac de la mer. Le soleil chauffe ma peau à la température parfaite. Je suis attendrie par la respiration de mon chéri, qui se régule au rythme d’un métronome. Il s’endort, bercé par le roulement des vagues et mes caresses le long de son bras. Il arborera une exquise couleur rascasse rouge à la fin de l’après-midi. J’admire la tranquillité incroyable d’une très jolie nymphe qui bronze seule et nue sans être importunée. Elle pousse même le vice jusqu’à se trémousser innocemment à quatre pattes sur son tapis pour chasser tous les grains de sable. Je savoure l’air marin qui caresse ma peau tandis que le spectacle des corps abimés par l’âge m’accoutume doucement à cette issue inévitable des ravages du temps.

     

    Un équilibre alimentaire de haute voltige nous accompagne durant ces vacances : un régime de frites, matin, midi et soir et toute la farandole gastronomique belge : fricandelles, schnitzel et autres croquettes. On étudiera la diététique en rentrant !

    Ce soir, nous profitons du charme de la station balnéaire d’Ostende et nous sortons au casino. J’aime les tentures aux couleurs qui réchauffent, mes talons aiguille qui s’enfoncent dans la moquette épaisse, le bruit des roulettes et la voix des croupiers. J’aime le confort des fauteuils moelleux où l’on s’enfonce en sirotant une coupe de champagne, j’aime les serveurs aux petits soins, les hommes galants et les femmes séduisantes. J’aime mon mari qui m’a concoctée ces vacances formidables.

     

    Nous arrivons à Amsterdam dans l’hôtel le plus girly de la Terre. Le quartier est un havre de paix, au cœur de la vieille ville médiévale, traversée par les canaux et les ruelles étroites, malgré la profusion de bars et de touristes, tout est calme et serein. Dès le premier regard, cette petite maison de briques rouges me plait déjà. Une multitude de coussins dorés se chevauchent devant la large baie vitrée. La salle est toute fleurie : des lys blancs sur la tapisserie, un majestueux bouquet de pivoines sur le bar et des petits vases de roses sur les tables. Les boiseries sont assorties aux banquettes dans une variation de vert amande et de vert émeraude. Dans la vitrine, des cupcakes pastel trônent sur un présentoir en porcelaine à multiples étages. Des abats jours parés de passementerie vert menthe tombent leurs pompons de soie au-dessus de nous.  Dans la cour intérieure, on a suspendu des cages à oiseaux aux teintes mauves et saumonées. Dans ce délicat décor, une charmante hollandaise nous comble de douceurs sucrées et salées. Elle verse le lait d’un petit pot dentelé dans ma tasse de café avec une délicatesse qui m’éblouit chaque matin.

     

    Entre le musée van Gogh, la synagogue portugaise et les coffee shops, nous arrivons au quartier rouge. Illuminé de mille lumières, nous découvrons ce lieu irréel. Je ne sais que penser de ces femmes qui vendent leurs corps, je m’interroge sur leur acceptation de la situation, j’aimerais entrer et leur poser mille questions. Et surtout pourquoi aucun homme ne se pavane derrière ces vitrines rouges ? Des bordels aux sex-shops tout est au-delà de mon imagination, cette tolérance face à la prostitution et à la pornographie me fascine.

     

    Dans une petite boutique, mon mari bave devant les présentoirs de tenues sexy pour les canons de beauté. Il insiste pour que j’en choisisse une. Je refuse catégoriquement toutes ces modèles sont en taille unique et aucun ne m’ira. Pas question d’être ficelée comme un gros rôti ridicule ! Devant son entêtement, j’ai soudain une idée lumineuse : je lui propose d’en offrir une pour notre chouchou. Petite et mince, elle a les mensurations parfaites pour cette lingerie. Il est emballé par mon idée et repart avec enthousiasme arpenter les présentoirs. Je l’observe de loin, envahie par des sentiments ambivalents. Soulagée que sa fièvre acheteuse se soit déplacée sur une autre que moi, attendrie par son euphorie, heureuse de le voir épanoui, écumer les rayons mais aussi jalouse que cette parure qu’il choisit avec soin soit pour une autre, blessée enfin de son corps à elle qui resplendira bientôt. C’est si douloureux que je parviens à lui en vouloir, pourtant je suis la seule responsable de mon désarroi, cette proposition c’est moi qui l’ai faite. Sur le chemin du retour, il s’aperçoit de ma tristesse, il réalise mes tiraillements et regrette d’avoir accepté. Il me rassure, il me cajole, il me console et me serre dans ses bras amoureux.

     

     

    La quiétude parfaite est un art uniquement accessible à l’hôtel. Dans ma maison, il m’est impossible de me reposer totalement. De toute part, mille choses m’assaillent et m’imposent un mouvement perpétuel. Dans une chambre d’hôtel, je suis complètement apaisée, rien ne perturbe ma sérénité, je ne vois ni rangement, ni ménage, ni linge. Mon chéri trépigne de ne pas gambader dans les rues, il est avide de visites touristiques. Il regrette que nous gaspillions notre temps dans une chambre. Pour moi, elle fait partie à part entière du plaisir des vacances, surtout quand elle est belle, et la nôtre est magnifique. Elle est vaste et spacieuse, les murs sont tapissés d’arabesques antiques aux tons grenat et dorés, quelques animaux mythologiques la ponctuent ça et là. Le souci de la décoration stylée est constant :  le plafond et sa rosace, les corniches et leurs moulures, la cheminée et ses chapiteaux. Une large baignoire trône au centre, mon mari chéri m’y installera dans un bain de mousse chaque matin. Mais mon attraction favorite est la douche dont paroi vitrée m’offre depuis le lit une vue imprenable sur le corps savonné de mon homme, un spectacle dont je me délecte sans répit. Une invitation murit dans cette jolie chambre. Dans l’océan de nos envies mouvantes, évolutives et cycliques, le charme des petites soirées intimistes nous chavire à nouveau.

     

    Il est des rencontres qui mûrissent au fil des mois, où peu à peu les esprits s’échauffent jusqu’à l’apothéose. Pour croiser nos chemins et concrétiser enfin une rencontre pleine de promesses avec Nathalie et Éric, il fallut patienter des mois. Ils arrivent les bras chargés de délicates gourmandises, de fines bulles et d’une envie folle de s’amuser. Immédiatement, je suis hypnotisée par le regard d’Éric. La puissance de ses yeux verts me déstabilise, me trouble et me bouscule. Nathalie est d’une élégance raffinée, elle est grande et cela lui donne une prestance de folie, ses longs cheveux blonds illuminent son ravissant visage, ses yeux bleus, sa taille fine et surtout sa généreuse poitrine me subjuguent et font clignoter les yeux de mon chéri. Elle est divine de grâce et de sensualité. Elle assume et revendique avec fierté les douces formes de la vie, je suis admirative de son tempérament.

     

    La verticalité est d’abord feutrée, puis teintée de rires, de naturel et de fluidité, elle nous a emmène vers une horizontalité qui promet d’être savoureuse. Déjà nos échanges écrits laissaient présager le meilleur, nous couvions cette soirée depuis des mois, nos esprits s’échauffaient patiemment jusqu’à cette apothéose toute proche. Le regard envoutant et énigmatique d’Éric et la braise incandescente qui bouillonne en Nathalie nous promettent un moment hors du temps comme si nous avions décrété un arrêt pour prendre conscience de ce qui est vraiment important. Entre un défilé de Louboutin, un déballage de sex-toys et des récits d’aventures incroyables, nous savourons ce partage et ce savoir être qui nous font vibrer. Il y a un décalage incroyable entre le rôle de débutants qu’ils se donnent et leur côté déluré, ils n’ont pas froid aux yeux, ils sont « open spirit » comme elle dit, j’adore cela.

     

    Puis quand la nuit s’est installée, la brûlure du désir est devenue plus mordante, l’attente insoutenable et l’étincelle qui avait déjà enflammée nos esprits à inexorablement gagner nos corps. Ayant quitté le canapé une seconde, mon chéri a volé ma place pour se rapprocher de Nathalie. Je ne sais plus trop où aller, j’observe Éric timidement, je ne connais pas encore la douceur de ses mains, ni l’odeur de sa peau mais j’ai une terrible envie de me laisser aller. Je me rapproche de lui et ma main le frôle pour la première fois, je ne suis pas certaine de lui plaire. J’ai aimé le regarder et l’écouter, maintenant j’ai envie de le toucher, de le sentir et de le goûter. Je déboutonne doucement sa chemise et m’imprègne de son énergie calme et puissante. Ses baisers sont extraordinaires, langoureux comme jamais et voluptueux à souhait. Ses lèvres gourmandes parcourent les miennes avec une tendresse infinie, en m’irradiant totalement, comme un cunnilingus… mais de la bouche !

     

    Quand il m’allonge sur le lit, je découvre que sa langue magicienne a encore d’autres talents. Serrée dans son cou délicieusement parfumé, je le sens m’intuiter dans mes envies intimes. Nathalie est contre moi, son corps vibre aussi sous les doigts de mon mari. Nous nous nourrissons les uns les autres dans une vraie communion à quatre. La pénombre libératrice m’affranchit de mes complexes. Il n’y a plus ces lumières qui m’obligent à la pleine conscience, sous surveillance des angles les moins désavantageux, je me sens bien. Dans cette nuit de Poppers, suspendus dans une bulle de lâcher prise, sous la chaleur de nos caresses, la moiteur de nos corps enfiévrés, nous savourons nos jouissances. La musique électronique nous libère vers une sexualité débridée, transgressive presque instinctive. Embuée de plaisir, j’oublie que j’ai décrété que la zone anale n’est pas érogène pour moi. Sous les doigts experts d’Éric, je découvre une nouvelle forme de plaisir.

     

    Enduits totalement de gel, nous sommes emportés dans la tornade de désirs glissants et extraordinaires. Nos caresses deviennent divinement suaves et onctueuses dans un plaisir des sens exacerbé. Je rampe tel un reptile sur eux, je me frotte contre elle, collant ma poitrine contre la sienne. Elle remplit sa bouche de champagne et la verse dans ma mienne. Il n’y a plus rien de raisonnable dans cette nuit fantastique. Ils sont l’alliance du feu et de la glace, ils sont le tonnerre et la pluie fraiche, ils sont ange et démon. Nous nous abreuvons de leur sexualité totalement débridée. Elle annonce qu’il est l’heure de manger les gâteaux, ce sont des Merveilleux, moi je pense que c’est ce couple qui est merveilleux, merveilleux d’intelligence, de générosité et de gaieté.

    Au petit matin, j’ouvre les yeux entre les seins de Nathalie et c’est le plus doux des réveils, d’autant plus que nos hommes apportent le petit déjeuner.  Quelle béatitude !

     

    Sur l’oreiller des confidences de nos fantasmes indicibles, il y a instants improbables et inattendus où des belles personnes arrivent dans notre vie et donnent tout son sens au mot « rencontre ».  

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  • Commentaires

    2
    Dragibus
    Jeudi 19 Août 2021 à 18:55
    Vos mots m'ont fait crépiter le cortex délicatement... On s'y croirait
    1
    Chambord
    Samedi 14 Août 2021 à 15:08
    Je ne m'en lasserai jamais... continue de nous emporter et de nous faire vibrer...
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