• Moi soumise, et lui, et lui, et lui...

    Un amour sans limite jumelé à des actes violents ont jalonné mon enfance. Estampillée par cette confusion de sentiments contradictoires, j’ai divagué longtemps en eaux troubles.

    J’ai lutté ensuite contre l’emprise psychologique d’un homme. Fragilisée par des épreuves et isolée au Moyen Orient, dans un pays dont je ne comprenais ni la langue ni la culture, j’ai été la proie idéale. Pendant plusieurs années, j’ai confondu amour et manipulation. Peu à peu, il avait pris le contrôle de mes comportements, de mes déplacements, de mes activités et de mes goûts. Mais parallèlement, il m’apportait la reconnaissance, l’admiration et la connexion dont j’avais besoin. Pour mon entourage, la partie était perdue d’avance ; plus on s’acharnait à me montrer le danger plus cela me confortait dans l’idée que lui seul me comprenait et m’aimait. Dans ses yeux, je me sentais unique et exceptionnelle. Je buvais ses promesses d’un monde idéal et l’autorisais progressivement à contrôler mon esprit. Il me laissait détruite, abasourdie remplie d’émotions amères et le cœur disloqué. Je retrouvais l’ambivalence des sentiments, j’étais rassurée par l’ascenseur émotionnel de mon enfance. Certes, j’étais surveillée et infantilisée mais j’étais à nouveau unique pour un homme. Je dois mon évasion aux services de l’immigration qui en refusant la prolongation de mon visa m’ont permis de retrouver ma liberté.

    Puis Monsieur Grey passa par là. Son simulacre de pratiques BDSM me mit en émoi, il démocratisait des codes obscènes et permettait à la ménagère de moins de cinquante ans de se faire menotter en toute bonne conscience. Ces pratiques de discipline et de servitude sexuelles devenaient un fantasme, que j’enfouissais consciencieusement en continuant tranquillement ma vie.

    Je rencontrais enfin l’homme qui m’apaisait dans le calme et la sérénité. Il n’était ni violent, ni autoritaire, il ne correspondait pas au modèle masculin que j’avais poursuivi auparavant mais il m’apportait la sérénité. Notre mariage et notre entrée dans le monde libertin complétaient ce tableau du bonheur.

    Un jour, sur le site, je rencontrais un homme qui ravivait mes désirs de soumission enfouis jusque-là. Il fit naitre en moi une nouvelle effervescence. Nous avons partagé une complicité virtuelle puis une correspondance intense et chronophage. Cette initiation de soumission sexuelle me captivait. J’étais en proie à une libido exceptionnelle, avide de sensations fortes et à la fois perdue, en plein questionnement. Écartelée entre cette excitation, la volonté de savoir jusqu’où je pouvais aller et la peur de voir resurgir les fantômes du passé. Peu à peu, je suis devenue sa servante profondément et passionnément. Il assouvissait mon besoin de surprises, d’inattendu, de nouveauté et de folie.  J’aimais ses ordres, ses insultes et cette manière qu’il avait de prendre soin de moi. Je voulais être dirigée fermement, ne plus être libre de mon autorité, ne plus être aux commandes, être une servante et basculer. Je jurais allégeance et ce jeu sexuel fascinant dura pendant des mois. Sans limite, je fonçais sur la route de la dépravation et de la perversion. Subrepticement, il m’avait envahie dans un jeu de rôle grandeur nature totalement épuisant.  Je sentais à nouveau un étau se refermer sur moi et sa personnalité dominante m’écraser. Un jour, dans un sursaut, je me réveillais enfin et j’appelais mon mari pour me secourir. Il apercevait alors l’ampleur du désastre et de la catastrophe que nous avions évitée. Nous reconstruisions notre bulle ensemble et amoureusement.

    Je réalisais que la soumission est en réalité, une pratique respectueuse où le partage, la communication et le consentement sont rois. Je prenais conscience qu’à vouloir me réconcilier avec mon enfance, je tombais dans des rapports de force malsains. Je décidais de circonscrire avec soin ses rapports D/s uniquement à ma sexualité sans qu’ils ne deviennent jamais une entrave à ma liberté.

    Désormais, je recherchais uniquement la soumission sexuelle et tous les jeux époustouflants qu’elle engendrait. Y prendre goût c’était tremper son doigt dans le miel et ne plus pouvoir s’arrêter, une véritable addiction ou plutôt la sensation que désormais tout le reste serait fade. Mon chéri, peu enclin à ses pratiques au départ, s’y découvrit finalement une seconde nature. Un nouveau champ des possibles s’ouvrait pour nous.  Quelques séances timides et guindées pimentèrent notre sexualité de couple, puis peu à peu, mon mari s’épanouit extraordinairement dans son rôle de dominant. Sans brandir l’étendard de Maître, il joue maintenant à la perfection et me plonge dans un jeu de soumise totalement étourdissant. Par des mots et sa petite valise de monsieur Bricolage, il m’invente des sénarii originaux, inédits et diaboliquement excitants. Ce jeu n’est pas notre pratique quotidienne, d’abord parce qu’il nécessite temps, organisation et espace, ensuite parce qu’il est épuisant physiquement et psychologiquement enfin parce que nous le savourons comme une cerise sur le gâteau, comme aller manger dans un restaurant gastronomique. Amoureusement, il me dessine les plus belles histoires BDSM, il m’y entraîne dans des pulsions animales, il m’y laisse en suspension au-dessus d’un gouffre vertigineux. Cette sensation ne ressemble à aucune autre, c’est une force magnétique. C’est une vague incontrôlable, un piège bouillonnant qui me laisse les jambes tremblantes, abandonnée au monde, quand les dernières décharges électriques s’apaisent enfin. J’aime être sa soumise docile, ressentir cette émotion entre supplice et extase comme un état de transe, me laisser porter dans cette obéissance sans limite, ne plus penser, ne plus réfléchir, bercée par son amour absolu.

    Mes rencontres avec les hommes prirent aussi cette nouvelle teinte. Néanmoins, souvent, j’étais comblée sexuellement, rassasiée cérébralement mais en manque de chaleur humaine. Le bon équilibre entre des jeux de soumission et des relations humaines riches et respectueuses est rare. Il arrive parfois… 

    Je l’ai vu parader dans les soirées parisiennes. Je l’ai vu jongler avec le corps des femmes sans jamais oser l’approcher. Il était trop impressionnant, il avait trop de prestance et trop d’expériences. Il pavanait sur ses terres, confiant, tranquille et sûr de lui. Moi j’étais trop provinciale, trop timide, trop candide, trop coincée, ni dans la performance, ni dans l’excellence. Je n’envisageais même pas qu’il s’intéresse à moi, d’ailleurs il ne s’y intéressait pas !

    Et puis c’était inattendu, au détour d’un message, il m’a semblé éveiller son attention. J’ai cru à une erreur, il avait dû cliquer par mégarde, son doigt avait dû riper sur le clavier. Quand il m’a écrit j’ai pensé qu’il devait être dans un désœuvrement total ou dans une oisiveté abyssale. Ses messages étaient feutrés et remplis à ras bord de bonne éducation. De mon côté, j’ai été « la fille facile » immédiatement ; il me plaisait, je le voulais, je n’ai jamais tenté la séduction, j’ai étalé cartes sur table dès le début. Pourtant, j’étais perplexe sur ce que je pouvais lui apporter, totalement dubitative sur ma capacité à le séduire et incrédule sur la façon de le contenter. J’ai pensé que je ne serai jamais à la hauteur et que jamais un homme comme lui ne s’intéresserait à une femme comme moi. C’était comme un défi.

    Néanmoins, au début de nos échanges, j’ai failli abandonner. Il souhaitait être en contact avec l’homme du couple pour éviter tout malentendu. Cette forme de respect plut beaucoup à mon mari. De mon côté, j’estimais que cet excès de zèle était digne du XVIIIe siècle, comme si seule une discussion entre hommes pouvait décider de mon sort. Certes j’imaginais sans peine, les soucis qu’il avait pu rencontrer, mais mon mari et moi sommes en parfaite transparence et cette remise en question de mon indépendance sexuelle était vexante. J’affirmais être capable d’organiser mes rencontres comme je le souhaitais. 

    Ce n’est pas moi qui me suis laissée séduire, je l’étais déjà, c’est lui qui a accepté de se laisser séduire. Au comble de l’incroyable il a consenti à venir jusqu’à nous.

    Au salon, rassurée par ma robe fétiche et sa très bonne éducation, entourée de mes amis, sécurisée par l’amour de mon mari, je fanfaronnais. Tout me semblait drôle et amusant. Son vin était délicieux. Il était là, à portée de main, enfin sur mon territoire.

    Puis brusquement, la soirée prit un tour totalement inattendu.

    Autorisée et même encouragée par mon mari, je me retrouvais seule dans l’alcôve avec lui. J’étais sa proie. Intimidée par son corps chaud si près du mien, je n’étais plus certaine d’assumer mes désirs mais mon chéri était là, à l’étage d’en bas, sa présence rassurante me poussait à vivre cette rencontre intense. Craintive et maladroite, je contemplais le corps de cet homme, ses yeux, ses épaules, son torse et sa virilité presque menaçante.

    Au cœur de la nuit, pendant des heures, il allait m’ordonner et j’allais obéir. Comme la montée d’un escalier, chaque marche gravie me permettrait d’accéder à une satisfaction personnelle, le plaisir ne serait pas dans l’acte mais dans la capacité à l’accepter voire à le supporter.

    Il m’entrava sans corde, il bloqua fermement mes chevilles contre ses cuisses, il maintint mes poignets vigoureusement entre ses doigts. Il n’avait pas besoin de liens, son corps lui-même était un accessoire bdsm.

    Guidée par sa voix chaude, je me laissais hypnotiser, j’avais besoin de savoir jusqu’où j’étais capable d’aller. Je suivais ses instructions docilement ; il me parlait beaucoup, toujours lentement, comme s’il récitait le texte d’un script, comme si tout était parfaitement préparé. Impassible, dans une maîtrise totale, presque froidement, il faisait de moi sa chose. Dans le silence de la nuit, je pouvais juste suivre sa voix, guidée par l’ombre de son corps, baignée dans le parfum de son cou et caressée par sa barbe douce. Tous mes sens étaient comblés.  En bon pédagogue, il me donnait une leçon de fellation. Je m’appliquais, je tenais absolument à être une élève appliquée. Galvanisée par ses compliments, je redoublais d’audace. Il enfonçait sa queue loin dans la gorge. Son vouvoiement maintenait une distance entre nous. Quand j’oubliais la marque de déférence, il pinçait mes seins violemment ou empoignait mes cheveux avec une telle force que j’en grimaçais de douleur puis aussitôt, il m’embrassait doucement pour me réconforter.

    Longtemps, très longtemps je dus patienter pour être pénétrée. J’en avais envie et besoin mais je devais attendre. Il m’expliqua comment j’allais sentir lentement son sexe entrer en moi, j’étais paralysée. Puis enfin il me libéra. Lentement, il prit possession de moi. J’assouvis enfin mes pulsions. Enchevêtrée, piégée, serrée comme dans un étau entre ses jambes, son sexe semblait exploiter toutes mes diagonales internes. Ma vue se brouillait, un flot de décharges électriques envahissait tout mon être, une nuée de lumières se répandait en moi, le lit semblait recouvert de plumes duveteuses, je sentais mon cœur cogner dans ma poitrine, inexorablement, je fus précipitée dans une chute qui sembla durer une éternité, je savourais cette sensation unique en réprimant une envie de crier, je me sentais vivante.

    Moi soumise, et lui, et lui, et lui...

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  • Commentaires

    1
    bruneetlui
    Mardi 6 Avril 2021 à 11:18

    La vie n'est-elle qu'une suite d'échecs… ? La réussite n'est-elle qu'un échec qui a mal tourné… ?


    Quoi qu'il en soit, il n'y a qu'un moyen de savoir si ce Lui est un bon pédagogue et fin instructeur : mettre en pratique les leçons avec le mari et parfois d'autres "Lui"...

     

     

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